Les deux bossus dans la ronde des korrigans

     bossu et korrigans     Dans ce village, vivaient deux bossus.

     L'un, Guillaume, était travailleur et bon. L'autre, Jean, était son contraire. Il était méchant et médisant. Jamais il ne travaillait et toujours il se plaignait.

     Un soir, après sa journée de travail au champ, Guillaume s'arrêta à la ferme de la vieille Fine. Il lui avait promis de l'aider à rentrer son bois avant l'hiver. La lune était claire qu'il n'avait pas terminé.

     Il était près de minuit lorsqu'il laissa la vieille pour rentrer chez lui. Mais comme il était tard, il prit le chemin le plus court, à travers la lande..

     Mais, la nuit, la lande n'est jamais vide...

     Guillaume n'avait pas encore parcouru la moitié du chemin qu'il entendit une musique. Il se laissa guider, curieux.

     Il n'avait encore jamais vu cela. Devant lui, des dizaines de korrigans dansaient en ronde. Leurs sabots frappaient le sol de manière cadencée et ils chantaient en boucle:

            Lundi, mardi, mercredi, jeudi.

            Lundi, mardi, mercredi, jeudi...

     Soudain, les danses et les chants s'arrêtèrent. Guillaume était repéré. Il recula mais il était déjà entouré.

     Il ne résista pas et la ronde se reforma... autour de Guillaume qui fut entrainé dans la danse. Pendant plusieurs heures, il dansa et chanta:

            Lundi, mardi, mercredi, jeudi.

            Lundi, mardi, mercredi, jeudi... 

     Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas tant amusé. Pourtant, le chant le lassa. Il finit par dire:

            "Votre chant est fort joli, mais il mériterait d'être poursuivi"

     Les korrigans ne dansaient plus. Le plus ancien d'entre-eux le toisa:

              "Peu d'humains se sont permis. Si tes mots plaisent à nos oreilles, tu seras récompensé. Sinon, tu seras puni."

     Alors, Guillaume se mit à chanter:

            Lundi, mardi, mercredi, jeudi

            Vendredi et samedi.

     Les Korrigans reprirent:

            Lundi, mardi, mercredi, jeudi

            Vendredi et samedi.

     Puis, la danse reprit pour ne s'arrêter qu'au lever du jour.

     Le vieux korrigan lui dit alors:

             " La nuit se termine Nous devons quitter ces lieux. Mais, pour te remercier, demande ce que tu voudras, tu l'obtiendras.

             A cela, Guillaume répondit:

            - Ce qui me plairait, c'est que vous m'enleviez ma bosse.

            - En es-tu sûr? Tu ne veux point d'or?

            - Mon travail me nourrit. Je ne saurais que faire de votre or. Par contre, je vivrait bien mieux sans ma bosse.

            - Soit !"

     Alors, Guillaume fut empoigné. Puis, par trois fois, il fut jeté en l'air avant de s'écraser. Il était à moitié assommé lorsqu'il se releva. Il était seul maintenant et pensait à une mauvaise blague. Ce n'est que lorsqu'il fut complètement redressé qu'il se rendit compte qu'il avait grandit. Il n'y croyait pas... il se tenait droit. Il toucha derrière son dos et ELLE n'était plus là.

     De joie, il couru au village en criant, sautant et chantant. A cette heure, il ne fut pas long à être remarqué.

            " Eh ! Guillaume ! Que t'arrive-t-il de si bonne heure?

            - Ma bosse... Je n'ai plus ma bosse !

     Tout le village partagea sa joie. Il touchèrent et constatèrent le prodige.

     Une fois, deux fois... dix fois, Guillaume raconta ce qui s'était passé.

            " Tu as bien de la chance ! lui répétait-on. Les korrigans ne sont pas toujours d'aussi bonne composition."

     Tout le monde le félicita. Tous, sauf... Jean, l'autre bossu. Il marmonait:

             " Quel idiot ce Guillaume ! C'est l'or qu'il aurait dû prendre ! Quelle stupidité de laisser cet or à des bouqueteux qui n'en ont que faire! "

     Il interrogea Guillaume sur l'endroit où la rencontre s'était effectuée. Puis, toute la journée, il attendit le soir. Lorsque le soleil se coucha et que la nuit tomba, il quitta le village pour s'enfoncer dans la lande.

     Il ne fut pas surpris d'entendre la musique et il s'approcha sans même se cacher. Lorsqu'il vit les korrigans, il n'attendit pas de se faire inviter. Il les interpella:

            " Vous laisseriez bien un peu de place pour un bossu?"

     Les danses et les chants s'arrêtèrent aussitôt. Sans y être invité, Jean s'inséra dans la ronde. Les bouqueteux étaient nerveux. Mais, au signal du vieux Korrigan, les chants reprirent:

            Lundi, mardi, mercredi, jeudi

            Vendredi et samedi...


      Il ne fallu que quelques minutes pour que Jean se mette à marmoner: Guillaume n'est pas malin. Il n'a même pas terminé la semaine !

     Il arrêta la danse et dit:

            " Guillaume ne vous a pas tout dit, la semaine ne s'arrête pas à samedi!

    A cela, le vieux korrigan rétorqua

            - Peu d'humain se sont permis. Si...

     Mais Jean le coupa: Oui, je sais... Mais vous allez voir. Puis, il chanta:

             Lundi, mardi, mercredi, jeudi

             Vendredi et samedi et dimanCHE...

     Les korrigans se regardèrent. La fin de la semaine ne plaisait pas du tout à leurs oreilles. Jean vit que le mécontement gagnait les rangs des korrigans. Il regarda alors leur chef et dit:

            "J'ai terminé votre chanson. Vous devez me donner ma récompense."

     Les korrigans étaient peu habitués à ce qu'on leur dicte leur conduite. Pourtant, le plus vieux demanda:

           " Et que voudrais-tu comme récompense?"

            - Bah ! Quelle question ! Je prendrai ce que cet idiot de Guillaume a laissé, bien sûr!

            - Eh bien soit! Ta demande est acceptée."

     Alors, Jean fut aggripé et, par trois fois, il fut lancé en l'air. Puis, il s'écrasa sur le sol, à moitié assommé. Lorsqu'il reprit ses esprits, les Korrigans étaient toujours là. Certains ricanaient. Jean se leva mais n'arriva pas à se redresser. Sa bosse était encore plus douloureuse que d'habitude. Il la toucha. Elle était également bien plus grande que d'habitude. Il hurla:

            " ARGGGG ! VOUS M'AVEZ MENTI!"

     Sur ce, le vieux korrigan lui répondit, d'un air dur et narquois à la fois.

            " Pas du tout. Nous t'avons offert ce que tu voulais. Tu as eu la seule chose que Guillaume nous a laissé. C'est sa bosse que tu portes à côté de celle que tu avais déjà !"

     Jean comprit qu'il venait de se faire berner par plus malin que lui. Il rentra chez lui plié en deux et geignant de douleur. Il devint alors encore plus aigri et méchant qu'avant. Mais cela ne dura pas très longtemps car la Mort vint le chercher l'hiver suivant.





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